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Échange entre Lydie Belporo doctorante en criminologie à l’Université de Montréal et Maria Juliana Angarita, doctorante en muséologie, médiation et patrimoine à l’Université du Québec à Montréal au sujet du forum « Grandeur (et misère ?) de la recherche fondamentale »

Février 2023

LB: Bonjour Maria Juliana, le 24 novembre 2022, tu as participé au forum organisé par les Fonds de recherche du Québec au Palais de Congrès de Montréal peux-tu nous dire en quoi cela consistait ?

MJ: Bien sûr, l’événement se voulait une rencontre intergénérationnelle ouverte au public au long de laquelle des suggestions seraient émises de manière informelle au principal organisme du financement à la recherche dans la province (voir le programme complet ici). Au cours de l’après-midi, les participant.e.s ont discuté à propos de nombreux enjeux du monde scientifique actuel, notamment celui de l’optimisation de la recherche intersectorielle, le lien entre la recherche fondamentale et le secteur privé ainsi que les défis politiques et de financement auxquels les nouvelles générations de chercheur.e.s font face. Les sujets traités ont reflété la formule de l’événement qui proposait un dialogue entre chercheur.e.s de domaines aussi divers que la médecine, la chimie, les neurosciences et la muséologie, se trouvant à de différentes étapes de leurs carrières en recherche. À travers le forum « Grandeur (et misère ?) de la recherche fondamentale », les FRQ ont voulu connaître les opinions de la relève scientifique à propos de l’avenir du milieu.

LB: Une grande partie de la discussion entre les jeunes chercheur.e.s s’est concentrée sur les « coulisses » de la recherche, peux-tu nous en dire plus ?

MJ: Les chercheur.e.s sont aujourd’hui, et plus que jamais, appelé.e.s à être des gestionnaires de projet polyvalent.e.s hautement efficaces. La gestion difficile du temps et des ressources semblerait être, selon certain.e.s participant.e.s, l’une des raisons qui expliquent la perte d’intérêt envers une carrière à long terme dans l’académie. L’un des sujets abordés qui m’a plus interpellé durant l’après-midi fut celui de la frontière entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Des représentants des générations de chercheur.e.s plus orthodoxes présentes au Palais des congrès, ont défendu une séparation stricte entre la recherche menant à la compréhension des phénomènes ­– recherche fondamentale ­­– et la recherche dirigée vers la solution de problèmes concrets ­- recherche appliquée. Certains considèrent alarmant le fait que des organismes comme les FRQSC exigent aux demandeur.e.s de bourses de justifier comment leurs démarches répondent aux problèmes liés à la justice sociale et environnementale (voir une lettre d’opinion sur le sujet, ici). Selon ce point de vue, toute personne ouvrant dans la recherche fondamentale doit maintenir ses démarches scientifiques à l’écart des débats de société. Les représentant.e.s des plus jeunes générations de chercheur.e.s. participant au Forum ont estimé qu’un tel isolement n’était pas possible ni désirable. Le format de la rencontre n’a pas permis d’endiguer plus loin sur le sujet. Des différences intergénérationnelles profondes n’ont été que mises sur la table.

LB: Comment as-tu quitté l’événement ?

MJ: Avec la sensation d’avoir touché à un débat profond et nécessaire sans avoir décortiqué collectivement les questions de fond. Une après-midi n’a pas suffi pour exposer les nuances entre deux tendances qui paraissent se distancier de plus en plus : la recherche « engagée » et la recherche « détachée ». En tant que chercheures sensibilisées aux impacts des conditions sociales dans le métier scientifique, nous avons sans doute plusieurs points pertinents à apporter au débat. Et quel meilleur endroit pour poursuivre la discussion que le RIFDOC ? Voici quelques questions autour desquelles j’invite notre communauté à réfléchir :

  1. Quelles sont les limites entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, pouvons-nous vraiment les séparer ?
  2. Qui peut se permettre une division stricte entre les deux ?
  3. Sommes-nous en tant que membres de la relève scientifique en train de sauter aux conclusions trop rapidement ?
  4. Qu’est-ce que cela implique en termes scientifiques – éthiques et de méthodologie – de répondre à des défis sociaux et politiques concrets par la recherche ?
  5. Qu’est-ce qui explique le fait que les jeunes générations ne semblent pas être dérangées par l’appel à justifier comment leurs recherches et leurs approches s’inscrivent dans leur réalité politique, sociale, environnementale ?
  6. Enfin, à quoi devrions-nous accorder la priorité en tant que chercheures émergentes lorsque nous sommes convoquées par des organismes gouvernementaux pour fournir des solutions, mais aussi exposer les réalités et les défis auxquels nous sommes confrontés ?

Je nous invite à continuer à poser des questions et à imaginer un avenir en recherche qui réponde à nos curiosités intellectuelles, mais aussi à nos quêtes citoyennes.

Merci pour ce très bel échange!

À vos plumes!

Appel à soumissions: Le RIFDOC souhaite mettre en lumière les diverses expériences doctorales de ses membres. Toute personne intéressée à traiter d’une thématique particulière (sujet libre/au choix) est donc invitée à faire parvenir son article de +/- 400 mots à l’adresse courriel du RIFDOC, soit: contact@rifdoc.com